BAPTISTE PRIVÉ
FONDATEUR, HUGGY
Lorsque vient le temps de s’élancer pour donner vie à un projet ou à un concept, Baptiste Privé s’engage en hochant la tête plutôt que d’afficher une mine circonspecte. Il peut tout aussi bien embarquer les entreprises dans une nouvelle façon de penser le recrutement avec Huggy, qu’intervenir au sein d’incubateurs ou de son ancienne école de commerce pour rejoindre un jury.
Il peut tout autant s’investir dans des boards auprès de jeunes entrepreneurs qu’investir dans des marques aussi porteuses que prometteuses : « J’ai été happé par l’entrepreneuriat, par toute l’énergie que ce monde dégage. Cette pulsation permanente, c’est un peu mon sport à moi ! » Baptiste s’attèle à un système dans lequel les candidats à un poste ne sont pas définitivement écartés après un refus. Un système où les managers transmettent à Huggy leurs recommandations sur des profils non retenus, afin qu’ils parviennent à d’autres entreprises qui recrutent – « maîtrise d’une langue rare, certification particulière, préavis… tellement de contingences entrent en compte et peuvent empêcher qu’un candidat qualifié soit embauché. C’est complètement absurde de laisser ces personnes repartir de zéro alors que d’autres sociétés proposent, dans le même temps, des postes taillés pour elles ! » S’il diffuse un mouvement circulaire qui a tout d’une révolution, Baptiste connaît la sienne dès son entrée à l’emlyon. Cette nouvelle vie incite l’originaire des Deux-Sèvres à sortir de ses habitudes de « lycéen en milieu rural », qui n’a toutefois jamais cessé de supporter l’équipe de sa ville, les Chamois niortais. En 2004, l’époque était aux flâneries entre copains dans les rues historiques. C’était la naissance d’un sentiment d’appartenance – « où que j’aille, je deviens un peu chauvin ! » –, et surtout celle d’un cursus émaillé de projets pragmatiques, comme la conception d’une entreprise fictive. En imaginant Décibulles, une offre de bandes dessinées personnalisées, Baptiste permet à son imaginaire de sortir des cases : « Je me suis plongé dans les financements, l’administratif et les modèles économiques. Cette première aventure avait déjà révélé chez moi une certaine fibre ! »
Un stage en marketing chez Michel & Augustin et une première expérience chez Google marquent un penchant pour tous types de cookies, mais c’est bien en entrant chez CoSpirit que Baptiste voit son esprit d’intrapreneur s’épanouir. Sous l’égide de son mentor, Florian Grill, le jeune homme se hisse avec un brin de culot. En relevant le défi de structurer un service entièrement dédié à la communication digitale ; en obtenant une place dans le comité de direction de cette agence publicitaire à tout juste vingt-sept ans, Baptiste goûte au plaisir de participer activement à la stratégie d’une entreprise. D’abord pris dans le tourbillon de ses responsabilités, il se demande finalement ce qu’il attend pour se lancer : « J’en suis venu à la conclusion que je n’avais aucune raison de ne pas créer ma boîte ! » Avec le soutien de son patron qu’il tient pour modèle, il se lance pour de bon. Baptiste, qui avait déjà accompagné des géants de l’agroalimentaire dans leur merchandising, sait qu’ils ont besoin de connaître la manière dont leurs produits sont exposés en magasin. Il sait aussi qu’une technologie existe pour récolter ces données directement sur le terrain : « Des Néerlandais avaient la licence de cette application qui permet aux consommateurs de transmettre ces informations contre rémunération. Il n’y avait donc qu’une chose à faire ! » Entreprendre. Entreprendre onze heures de route au volant de la Polo rouge de son associé avec un CD en boucle, et revenir en ayant réussi une négociation serrée qui lui permet de déployer Roamler en France, dès 2014. Cette science des rayons en hypermarché devient rapidement le levier d’une hypercroissance. En travaillant avec des leaders comme PepsiCo ou Procter & Gamble, Baptiste accède à l’envers d’un marketing pensé dans ses moindres détails : « On était capable de leur dire comment était vendue une bouteille de soda ou un produit laitier dans des centaines de magasins… Traiter avec de telles multinationales et gérer cette réussite était une sacrée paire de manches ! »
Surnommé par ses amis « la police du yaourt », Baptiste doit garder son sang-froid face aux doutes. Tout en étant accompagné par le Programme Pépites, le dirigeant de Roamler voit ses équipes atteindre la cinquantaine de collaborateurs, et la trésorerie fondre à vue d’œil ; tout dépend d’un prêt de la banque à débloquer un certain 24 décembre. Au bout de six ans d’aventure, lui qui est parvenu au meilleur en évitant le pire revend son entreprise sans songer aux conséquences d’une telle rupture : « Du jour au lendemain, tout s’arrête, on ne va plus au bureau, et il faut tout redémarrer d’une feuille blanche. » De déjeuners en discussions, de réflexions en itérations sur le prochain point de friction à améliorer, Baptiste perçoit au fil du temps un marché : « D’un côté, tous les dirigeants que je rencontrais me disaient qu’ils n’arrivaient pas à recruter, et de l’autre, de nombreux proches ne trouvaient pas de poste. » En fondant Huggy, Baptiste confirme ainsi son tempérament d’optimiste invétéré, convaincu que la coopération est une meilleure voie que le chacun pour soi. Une philosophie volontiers bousculante pour un secteur qui a l’art de le faire tiquervpar son lexique martial : « Chasseur de têtes, guerre des talents… Je ne comprends pas que l’on utilise ces termes pour parler d’accès à l’emploi. » Et de la même manière qu’il préside le Cercle Pépites, où se retrouvent les anciens lauréats du programme pour s’épauler et discuter sans filtre – « des moments où l’on peut vraiment déposer l’armure ! » –, Baptiste et son équipe entendent avec Huggy créer une impulsion, et poser une nouvelle balise, afin de démontrer tout le rôle social d’une entreprise.
Entreprendre ?
C’est comme être dans une montgolfière : on est souvent porté par le vent, on ne sait pas toujours où l’on va
et à quelle vitesse, mais on sait qu’on finira par atterrir !